Molde m'avait touché en montant vers le Cercle Polaire arctique comme une ville de province norvégienne typique. On y passait mais on y vivait surtout...J'étais donc curieux d'y retourner pour approfondir ce sentiment réellement populaire, cette sensation imperceptible que l'on sent partout, dans toutes les rues, dans tous les lieux.
En cheminant en Scandinavie très souvent, tous les ans, je découvre peu à peu que cette zone du nord de l'Europe, depuis des décennies, développe une véritable
stratégie du bonheur.
Là il ne s'agit pas d'îlots de calme, comme une nouvelle mode française verto-écologique tente de se développer en France à juste titre. Non, là-bas c'est le mode de vie général.
Je pense et découvre là que malgré une certaine passivité qui se dégage de cette paix, en fait ce calme démontre une grande force.
Depuis, je découvre que le calme est une comme la surface d'un lac sous laquelle se cachent de grandes forces. Et le gîte facilement trouvé tout au bord du fjord ne contredira pas ce sentiment...l'Urtigruten passe...
Les prix sont modiques pour la Norvège : 60€ un gîte magnifique au bord de l'eau et au centre de Molde. Bien sûr il y a plus cher mais ce qu'il y a autour (restauration etc...) ne me concerne pas.
Je n'avais envie de rien faire, de rester là des heures les yeux grands ouverts, seulement me laisser bercer par la tranquillité du lieu : le temps passe à une allure hallucinante lorsque la paix règne.
J'étais scotché sur le fjord, littéralement hypnotisé.
J'étais donc en paix comme je l'ai rarement ressenti, et je me suis rendu compte que cette attitude, ce sentiment profond, était bien en moi. Il était induit par le lieu, par les rythmes qui, eux, m'ont propulsé vers cette cachette secrète en soi...Il existe donc en soi un lieu qui garde cette béatitude sans gardien, sans barrière et sans clé. Donc...:
Il est en toi une tranquillité, un sanctuaire où tu peux te retirer en tout temps et être toi-même.
En, s'agitant dans cette demeure intérieure, on atténue la lumière.
Les choses les plus douces seraient-elles les plus discrètes ?
Ce lieu me donne une clé et la voici : celle de laisser le mental couler comme de l'eau au lieu de vouloir et vouloir et vouloir encore le comprendre, le diriger, le domestiquer, le traiter, l'analyser.
Les fleurs ne poussent que parce que tout simplement, elles permettent aux rayons du soleil de venir jusqu’à elles...Tout orage était apaisé et les murmures confidentiels nantis de leurs mystères, comme des mots éternels, deviennent audibles.
Je sors. Dehors c'est le même sentiment.
Non, ce n'est pas une boutique de folklore, les gens s'habillent tous comme ça pour des occasions sans cesse renouvelées et fidèles. Tient...une certaine forme de "tradition" reste ici le cadre, la trame de ce vent de paix.
Une certaine "bourgeoisie" pourrions-nous penser avec nos esprits bien français ?
Je ne crois pas. Et quand bien même ? Où serait la faute, l'erreur, la moquerie du fait de maintenir ce qui stabilise la paix ?
Les jeunes s'amusent, mais s'habillent aussi ainsi lorsque cela est nécessaire. Ils travaillent dur, rient, écoutent du rock mais, si on tombe sur une émission télé, les familles sont là et rien n'est entubant, rien n'est matraquage de tronche : tout le monde se marre sans manipulations, sans OGM d'enfoirés de journalistes qui nous font par exemple avaler en France que les fils de daesh sont normaux, que le burkini n'est pas un signe religieux, qui nous matraquent le cerveau avec des contre-vérités jusqu'à ce que nous les admettions etc...dans les postes télévisés tu vois des norvégiens et des gens du nord, pas uniquement et sans cesse des tronches de bourrage de crâne perpétuel avec chaines en or, lunettes carrées noires, tronches entourées blondes qui sucent. Ici tu sais où tu habites.
C'est bizarre, cette "éducation" de la jeunesse qui rit, sans saletés, sans tubes, sans marcher sur la tête : les mômes se marrent, leurs bouille n'est pas triplement cagoulée et cachée, la liberté sexuelle est comme en France on n'a pas idée, c'est différent. Pas de vulgarité...pas de vulgarité...on ne nique pas sa mère (ni sa grand mère), on fait la fête avec elles et elles sont honorées sans éducation forcée, simplement par le fait qu'elles sont aimées et belles.
Tient, des motards italiens qui passent par là et qui ont failli créer un accident lorsqu'ils ont vu la Ural.
Ils me rejoignent, je dégustais une bière pénard à la terrasse d'un café
La wouach le mec déballe comme un PM en rafale : il ne croit pas que je viens de France avec Babouchka. Je passe les photos avec l'appareil, la Maman ouvre grand les yeux sans rien dire et je la félicite...68 balais et derrière une Ducati bardée de bagages venant d'Italie. Le couple à grosses burnes quoi. Même pas mal au cul ou alors c'est sainte Bernadette...
On échange velu...tient...les mêmes sentiments sont partagés, sont lus en commun. Je me retrouve entrain de regarder cette immense scène norvégienne côte à côte avec un autre européen.
Nan, il y a quelque chose qui ne va pas dans notre Europe.
Je crois que cela s'appelle le bourrage de crâne. On pourra me dire que je négativise mais non, je constate, je suis désolé de constater, de comparer, les différences sont telles que je ne peux pas m'en empêcher. C'est pas ma faute, pas ma faute si ici c'est comme ça et que chez nous c'est très différent :
je sépare seulement le subtil de l'épais.
Je rentre tranquillement comme appelé par ma piaule à remonter le temps mais voilà, encore une image de paix.
Elle n'est pas taguée, défaite, cassée. Il n'y a pas de merdeux qui se saoulent la gueule en jetant les canettes à terre pour les casser. Et il n'y a pas de flics (visibles). Chez nous il y a les flics visibles, qui font semblant de ne pas voir les connards qui se cament en jetant les bouteilles, les cagoulés, les burkinis. Les statues sont sales, les bâtiments sont tagués et il y a du bruit. Chez nous les autochtones passent les yeux baissés, agités, la peur au bide, dans le meilleur des cas le drh au cul en scrutant anxieusement leur montre. Chez nous la plupart retrouvent leurs gonzesses made in secte d'état féministe et les mômes s'agitent sans les voir avec des écouteurs collés aux oreilles sur des musiques de cons, toujours les mêmes depuis des années, en leur répondant d'une manière insolente.
Elle, cette modeste statue, elle me regarde simple et belle. Elle offre des fleurs, même sur le lieu des travaux du coin.
Tout repose.
Je casse la croûte dans le même bar très honnête avec des salades et des casses croûtes. La bouffe évolue aussi, on trouve encore pas mal de merde amerlo, mais on commence à voir aussi des plats simples qui ressortent d'une éducation populaire voulue de la lutte contre l'obésité.
Je retrouve ma casa et je ferme ma porte comme lorsque je rentrais dans ma cellule au monastère, dans laquelle je redécouvrais ce que je pensais être Dieu via la prière.
Là, c'est plus simple, l'Urtigruten que je ne prendrai jamais faute de moyen repasse tout aussi paisiblement.
Silence, lumières, ciel de minuit...
Non, je ne rêve pas.
Bonne nuit...