Comme souvent je ne ferme pas l'oeil de la nuit...je repasse la plupart des images en revivant leurs impressions dans un état de paix inimaginable. La mer est calme...Comme toujours les gosses jouent avant de se coucher...
Cette
escale intérieur de nuit sur l'eau est très précieuse. Sans elle je suis persuadé qu'il manque un pan important du voyage et que ce dernier n'apporte pas toutes les nourritures qui fermenteront plus tard dans l'âme. En se coupant de cette passerelle, l'ensemble ne se comprend plus vraiment et lorsqu'on décide d'entreprendre un voyage dont le passage est uni à la mer baltique d'une manière incontournable, couper cet espace est une erreur.
Ce passage permet de mesurer notre propre niveau de naufrage de l'âme.
Je compare les hommes à des vaisseaux qui voguent en pleine mer : les uns, poussés par le vent de la fortune, parcourent heureusement leur vie; les autres, guidés par une étoile malheureuse sont continuellement battus par la tempête, et finissent par être engloutis dans les gouffres de l'Océan de l'ego.
Le débarquement à Travemunde est à 22h heure locale. Il fait nuit et nous retrouvons l'Europe et son monde fait d'hommes qui ont la chiasse de sortir avec leurs gros crossovers. Ils se sentent déjà au boulot poursuivis par leur DRH.
Je laisse passer et les regarde un long moment, poursuivant ma méditation et bénissant ma Mère de ne pas être comme eux...
Là à cette heure on a intérêt à réserver une piaule depuis le bateau : en Allemagne les gens se couchent tôt et se lèvent tôt...
Je cherche toujours dans un bled typique perdu, simple et bien du pays. Petit guesthouse sans prétention tenu par deux vieux papis adorables...Ils ont dû connaître l'époque terrible et font des efforts incroyables pour que cela ne se sente pas...
Du pur casque à boulons, extra !
Sortie après un repas très typé bien allemand : j'aime ces ambiances dans lesquelles les odeurs collent au tableaux, au saveurs et au temps qui passe.
Et là coup de coeur au milieu de la nuit...je croise un vieux schnauzer qui a 17 ans et qui, lorsqu'il me perçoit, gémit doucement comme pour m'appeler...
J'approche, il est plein de tics et le pauvre pue. Il n'intéresse personne et je vois qu'il est seul face à sa future mort. Je lui retire quelques tics, il me lèche...si je l'avais évité je me serais senti lâche.
La petite fille du proprio me rejoint et elle me dit qu'il ne passera pas l'hiver...
Mon sang ne fait qu'un tour et j'éclate en sanglot sur cet évènement qui, immanquablement, me ramène à mon Caoua décédé. Il me fait des câlins et le patron ne se l'explique pas car il est habituellement agressif... Je parle avec lui un long moment. Il voit encore clair et il n'est pas sourd mais nos yeux échangent des vibrations entre vie de chien et d'homme.
C'est terrible et j'éprouve un sentiment de solitude infini. Mon boubou me manque à crever.
Tu passes un mois chez les samis, tu traverses la Baltique deux fois et tu te retrouves paumé en Allemagne avec des images d'une profondeur incroyable.
Il est minuit, je rentre me coucher totalement déboussolé.
Petits bruits de clés que je connais bien...un jeune qui est apprenti bricole son 50 avec une lampe de poche, il doit aller au boulot demain à 5h.
Il n'écoute pas de rap, ne vomit pas sur l'Allemagne, il est heureux et me dit sa joie de vivre simplement ces moments. Il a peu mais en fait beaucoup : il a la paix.
Les jeunes sortent le soir et jouent à des jeux simples. Ils ne font pas le bordel et semblent heureux. Une fois de plus je me rends compte que les élus , les gouvernements et les médias sont bien responsables de l'état de notre jeunesse...Mais il est vrai qu'ici il n'y a quasiment pas de rupture entre les générations.
C'est la vie...
...à suivre...