Durant nos périples, le Cercle Polaire arctique a dû être franchis plus de 16 fois avec notre attelage - et autant de traversées de la Mer Baltique...
J'en garde d'extraordinaires souvenirs, gravés dans la pierre de mon âme, les voyages étant tous retranscrits dans le sommaire de ce forum. Beaucoup d'émotions, d'images, de paix, de souvenirs tellement beaux que certains font mal...
Rouler avec les rennes a laissé une marque jusqu'au plus profond de mes cellules. Cela a transformé ma vie. J'entends encore les claquements de leurs sabots sur le sol et je sens leur souffle puissant, je vois encore leur regard sauvage m'invitant à la course.
Tant et tant de souvenirs, tant de saveurs, tant d'espaces trop vastes pour ce petit cerveau qu'est le mien !
La fin des périples dans le Grand Nord marque aussi la fin de mon activité professionnelle, émaillée de la fin de moments plus personnels...et comme cela durait depuis une vingtaine d'années et plus, l'arrêt de ce train immense tomba comme une porte blindée en acier qui pèse plusieurs tonnes.
Durant quelques mois une ambiance aigre baignait la sauce de ma vie : serait-ce la fin ?
Mais...la vie est plus forte et son amour dépasse les limites !
Je me retrouvais cependant tous les jours suspendu dans cette ambiance, ayant comme un clou planté dans le talon à l'image d'Achilles :
..puis je vis mourir des amis, mon frère, je vis le temps passer - ce qui ne m'étais jamais arrivé tant j'étais affairé, vous vous rendez compte : le temps qui passe ! Je vis des gens de pouvoirs me tromper, me mentir...et fatalement cela a rebrassé les cartes. C'était si profond que je ne voyais presque plus rien, comme dans un brouillard abrutissant. Je ne savais plus distinguer si cela provenait de ma DMLA ou du cerveau blessé. Je n'avais pas le temps de me poser pour examiner la situation, tant l'Etat me faisait chier via la paperasse de la fermeture de l'entreprise ! On ne te laisse même pas le temps ! Ils m'avaient piqué ma boussole...
Je ne voyais même plus les yeux de mon loup, les attentions de ma Souris, le sourire de mes frères et soeur encore vivants, la dynamique de mes fils et la beauté éclatante de la jeunesse de mes petites filles. Ni non plus les clins d'oeil de quelques amis qui étaient simplement là...
Je ne voulais pas les emmener dans cette aspiration, ils et elles sont tous si beaux ! Ce trou noir était aussi effrayant qu'une tombe humide.
Du Grand Nord je rapportais aussi une saveur curieuse qui devint de plus en plus aigre au fil des ans.
En traversant les pays comme la Norvège, la Suède, la Finlande et l'ouest de la Russie, deux d'entre eux ne correspondaient plus du tout à mon être intérieur : la Suède et la Norvège.
Pourquoi ?
Parce qu'il y a trop d'argent, parce que le mode de vie propret est issue d'une religion dont l'intégrisme ne se voit pas vraiment mais qui est bien actif partout. Rien ne sort des rails, l'argent est en fond d'écran plus qu'ailleurs.
Seules la Finlande et la Russie n'étaient pas gavés des principes de cette sorte de rigueur religieuse silencieuse mais argentée : je leur garde donc un amour intact.
Durant toutes ces années, je pensais régulièrement à l'Europe Centrale qui me manquait. De belles images trop brèves de la République Tchèque, de la Hongrie, de la Roumanie...se pointaient dans ma tête aussi furtivement qu'un Mig. J'y pensais souvent en opposition à ces ambiances cadrées et figées...
Dans le flot des évènements, régulièrement, tous les trimestres, mon ami Fred me donnait des nouvelles.
Sa tête explosa aussi lors de son divorce voici maintenant une dizaine d'années. Je voyais cet homme d'une grande gentillesse souffrir terriblement et je me demandais s'il allait s'en sortir. Il passait de temps en temps à la concess, sans rien demander, par amitié, en offrant son sourire et sa fidélité. J'étais à chaque fois bouleversé.
Il roulait en side et venait en stage.
Puis un jour plus rien..!
J'appris qu'il vivait en Roumanie et qu'il avait rencontré une roumaine très particulière
Transformé, il m'évoquait sa nouvelle vie en dressant des tableaux de la Roumanie qui m'intriguaient de plus en plus. Avec tact, avec des mots simple et lumineux...
Ces tableaux entraient en résonance avec ces désirs furtifs d'Europe Centrale.
...à suivre...